« Je suis venue vous parler du vivant »

Discours de Marine Tondelier lors du meeting de Bordeaux le 4 mai 2024

Je suis venue vous parler... de ce que l’on n’entend pas.

Je suis venue vous parler de ce qui ne peut pas parler.

Je dirais même que je suis venue vous parler de ce qui ne peut pas voter.
Curieux, en pleine élection, pourriez-vous me dire. Bien au contraire, vous répondrais-je...


Parce que je suis venue vous parler du vivant silencieux.

 

De celui qui disparaît. Là. Sous nos yeux. 

 Dans la quasi indifférence générale qui plus est … 

Pas la vôtre, comprenez-moi bien. Pas la nôtre. La leur, celle des autres.


Je suis venue vous parler des 60% d’oiseaux des champs qui ont disparu en Europe en 40 ans. 

 Je suis venue vous parler des 80% d’hirondelles qui ne font plus le printemps, depuis bien longtemps. 

Des insectes aussi, dont la population européenne a chuté de près de 80% en 3 décennies. 

Pas juste là bas. Non, ici aussi.


Je suis venue vous parler de nos forêts, de nos montagnes, De nos nappes phréatiques déréglées, De nos océans abîmés et des poissons sur ou mal pêchés.

Avez-vous déjà entendu un glacier pleurer ? Un écosystème agoniser ? 

 Fermez les yeux, vous les entendrez.


Je suis venue vous parler du triton crêté, du muscardin doré, du grand capricorne et de toutes les autres espèces menacées par de grands projets inutiles.

Des luttes que l’on a menées.

De Rémi Fraisse, de Vital Michalon, de celles et ceux qui y sont restés et que l’on n’oubliera pas, non, jamais.

De Sivens, de Notre Dame des Landes et des autres batailles que l’on a gagnées.

Et de toutes les autres, celles que l’on va continuer.

Car les écologistes, non, n’abandonnent jamais ! 

Je suis venue vous parler de Bure et de Sainte-Soline, en passant par les LGV bordelaise, évidemment ! Et de ces terres agricoles et de ces arbres menacés par un projet autoroutier, quelque part entre Castres et Toulouse.  Et de tant d’autres encore… 


Je suis venue vous parler de René Dumont, qui il y a pile 50 ans se présentait à la présidentielle, et levant son verre d’eau, était le premier à alerter du fait que bientôt, nous viendrions à en manquer. 

Des moqueries de l’époque, De ce que nous leur devons à lui et aux autres précurseurs de l’écologie. 

De ce que nous lui dirions aujourd’hui, à René, qui avait écrit « l’utopie ou la mort ». 

« Non René,  Tu n’étais pas utopiste. C’est celles et ceux qui pensaient que l’on pourrait continuer à défier le climat, les écosystèmes et les limites planétaires qui l’étaient. Toi tu étais réaliste. Réaliste avant l’heure. Et toutes celles et ceux qui t’entendaient avec toi. » 


Je suis venue vous parler de la nature, de la nature que l’on aime contempler.   

Mais à laquelle les Françaises et les Français ont de plus en plus de mal à avoir accès …  

Des terres grignotées, imperméabilisées, artificialisées, Des projectiles tueurs des chasseurs et de la peur qu’on déjà ressentis 74% des français en voulant tout simplement se promener un jour où ils étaient de sortie. 

Des victimes des accidents de chasse, de leurs proches, de celles et ceux qui portent leur mémoire et se battent pour que la liste cesse de s’allonger.


Je suis venue vous parler de notre santé, Je suis venue vous parler de la qualité que nous voulons retrouver. Qualité de l’eau, qualité de l’air, qualité des sols…  Qualité de vie. 

 Des PFAS,  Des nanoparticules,  Des pesticides,  Des phtalates et de toutes ces substances qui nous empoisonnent et nous rendent infertiles ou malades. De ce fameux effet cocktail auquel il est devenu si difficile d’échapper.


 Je voulais vous parler des générations futures aussi. Générations futures que la lâcheté, le court-termisme et l’inaction de celles et ceux qui nous gouvernent menacent un peu plus chaque jour. 

 Même pas nées et déjà condamnées. 

Elles ne connaissent pas encore notre monde que déjà il devient inhabitable. Auront-elles quand même un jour l’occasion de le connaître ou la folie humaine ira-t-elle jusqu’à remettre en cause leur existence ?


Attention,  Ne croyez pas que je suis pas venue vous déprimer. De toute façon il vous en faudrait plus que ça n’est-ce pas ? 

 Non, si je suis venue vous parler de tout ça, c’est que je savais que vous, vous comprendriez. 

Que vous comprendriez la beauté, Mais que vous comprendriez aussi le danger. Et la nécessité d’apaiser, de protéger et de réparer. 


Je suis venue vous dire ma tristesse, mon angoisse et ma colère grandissantes. 

Je suis venue aussi vous partager mes passions, mes rencontres et mes espoirs. 

Pas pour vous raconter ma vie, non. Mais pour vous dire que vous n’êtes pas seuls. 

Pour vous dire que partout dans ce pays,  à l’ombre des réseaux sociaux,  de la politique spectacle et des semeurs de désespoir,  de haine et de mort,  des femmes et des hommes se battent pour donner de la voix à tous ces sujets qui sinon n’en auraient pas.  Et pour faire ce que les pouvoirs publics ne font pas, aussi. 

Nous, écologistes, sommes de ceux-là. 


Je voulais vous parler de mes rencontres, quotidiennes, celles qui réchauffent le cœur et me renforcent dans la certitude que nous pouvons y arriver. Celles qui procurent de l’enthousiasme et de la joie. 

 Il y a Marie Toussaint, bien sûr. 

Il y a Clément Sirgue aussi, batelier sur la Loire sauvage près de Tours, à bord de sa fameuse Rabouilleuse. Il en connaît chaque méandre et en défend l’écosystème et plus que ça il a fait reconnaître des droits à ce fleuve grâce au Parlement de la Loire auquel nos copains ont contribué et participé. 

Il y a Thomas Saunier, Président des guides touristiques de Guyane qui défend au quotidien son outil de travail, le fleuve Kourou, victime des orpailleurs. 

Il y a Eric Louis, qui est Yopoto, c’est-à-dire chef d’un village amérindien Guyanais, déplacé 3 fois pour la construction puis les agrandissements successifs du centre spatial, et qui comme beaucoup de celles eux que j’ai pu rencontré ces dernières semaines en outre-mer m’ont donné de véritables leçons d’écologie. 

Il y a Véronique Andrieux, la Directrice du WWF reçue il y a 3 semaines dans notre local de la rue des petits hôtels à Paris pour parler des animaux et des forêts qu’elle défend avec opiniâtreté.

Il y a Allain Bougrain Dubourg, Président fondateur depuis l’année de ma naissance de la Ligue de Protection des Oiseaux, et avec qui nous irons dans deux semaines en observer en Charente. 

Et toutes les autres têtes de pont associatives que je rencontre régulièrement pour coordonner nos combats. Mais aussi des gens que vous ne connaissez pas, ou pas encore. Des héros du quotidien. 

Rien que cette semaine, il y a eu Benjamin Allegrini, qui recherche des traces d’ADN environnemental dans les milieux et a ainsi détecté au large de la Corse la présence du « requin ange » que l’on croyait disparu, et avec qui nous avons observé les foulques sur le Lac du Bourget. 

Il y a eu la rédaction du magazine Terre Sauvage, rencontrée en Savoie et qui participe à encourager la découverte et la contemplation de la beauté de ce monde, et donc sa protection. 

 ll y a eu Marie Pierre Puech, cette vétérinaire à la retraite qui a consacré depuis des décennies ses revenus, son terrain familial et tout son temps libre à bâtir un hôpital de la faune sauvage dans le Gard, qui recueille et soigne grand ducs, renardeaux, chauves souris, fouines, écureuils, hérissons et éperviers, sans subventions des pouvoirs publics qu’elle n’a pas attendus pour agir. 

Il y a eu aussi, je pourrais continuer longtemps comme ça, toute cette équipe de foot féminine U18 du club du Pas du Loup implanté dans un quartier populaire de Montpellier et avec lesquelles nous avons longuement échangé, pour parler de sport collectif, bien sûr, mais aussi du potager qu’elles cultivent ensemble sur leur temps libre. 

C’est comme ça toutes les semaines. C’est comme ça tous les jours, quand on est Secrétaire nationale des Écologistes.


Et puis il y a vous aussi.


Oui, il y a chacun d’entre vous, Vous qui êtes dans cette salle aujourd’hui, Les curieux et les passionnés, Les contemplatifs et les engagés, Les associatifs et les politiques, Les militants du quotidien et les élus, qui à l’image de nos maires écolos changent déjà partout sur le territoire la ville et donc la vie. 


Et puis il y a eux, Nos députés européens écolos.

Leurs combats. Leur énergie inépuisable. Leur détermination remarquable. Leurs années de travail acharné, de nuits passées en trilogue à négocier, leurs kilomètres enchaînés sur les routes - et surtout sur les rails - de France et d’Europe à faire du terrain pour nourrir leurs réflexions et leurs actions. 

Je suis tellement fière d’elles, je suis tellement fière d’eux. De leur persévérance. De leur ténacité. De leur ingéniosité. De leurs valeurs et de leurs méthodes.

De ce tout ce qu’ils et elles ont tenté. De tout ce qu’ils ont porté, avec constance et cohérence, deux valeurs en perdition dans notre mode politique qui se désagrège. 

De tout ce qu’ils continueront d’essayer.De tout ce qu’ils réussiront, demain. 

Oui je suis fière et infiniment reconnaissante comme, je le sais, l’ensemble des membres de notre mouvement, de  Marie,  David,  Mounir,  Benoit, Caroline, Claude  et de tous les autres. 

Les plus grandes ONG environnementales ne s’y trompent pas : elles ont sorti le 9 avril un bilan de ces cinq dernières années européennes en matière d'environnement.  

Et devinez quoi ? 100% de nos votes du groupe écolo étaient au vert. 

Et devinez quoi ? Ce sont évidemment et de loin les seuls pour lesquels c’était le cas. 

Alors bravo et merci, Vous pouvez les applaudir ! 

Nous sommes extrêmement fière d’eux, et par avance de ce que les nouvelles et les nouveaux sur cette liste Mélissa, Majdouline, Abdoulaye, Priscillia, Amine, Flora, Charles et les autres feront avec eux dans les 5 ans qui viennent au Parlement européen  quand ils  et elles  sont élu.e.s !  

Alors j’entends disserter en ce moment dans les médias sur le « vote utile ». 

Mais vote utile à quoi ? 

Les élections européennes, ce sont une élection … européenne !  

Ce n’est pourtant pas si difficile à comprendre,  c’est dans le titre ! 

Le seul vote utile possible, est un vote qui soit utile pour l’Europe, ses citoyennes et ses citoyens, celles et ceux qui y vivent, qu’ils soient humains ou pas. 

Et quoi de plus utile que de faire en sorte que notre planète reste habitable ? Quoi de plus utile que de réussir collectivement à atterrir et à réencastrer nos sociétés dans les limites planétaires ? A défendre la justice environnementale et donc la justice sociale qui vous le savez sont si intimement liés. 


Chers amis, ça n’est pas flagrant lorsque nous regardons par la fenêtre aujourd’hui mais c’est le printemps. 

Comme quoi les apparences sont parfois trompeuses. Le climat, la météo sont déréglées.

Les cycles politiques aussi. Alors comme le ciel bordelais de ce samedi 4 mai, Les sondages du moment ne le montrent pas forcément de manière flagrante, Mais oui, c’est l’heure du printemps politique. Et je vais pour finir vous parler de ces printemps, de ces printemps silencieux que regrettait déjà Rachel Carson en 1962. 

J’ai une mission pour vous, si vous l’acceptez. 

Parce que vous, vous pouvez parler, Parler pour celles et ceux qui ne peuvent pas parler et que j’ai listés tout à l’heure. 

Parce que vous, vous pouvez voter. Voter pour celles et ceux qui ne peuvent pas voter. 

Alors pour elles, pour eux, et aussi pour nous. Pour la faune. Pour la flore. Pour les éléments et les paysages. Pour celles et ceux qui ne sont plus là. Pour celles et ceux qui ne sont pas encore là. 

Faisons du bruit pour l’écologie dans ce printemps silencieux. Pour sortir de la torpeur. Pour donner de l’espoir. 

Et de l’énergie aussi, beaucoup d’énergie, et 100% renouvelable !

Organisons un printemps bruyant ! Un printemps bruyant  pour transformer ce « backlash écologique »  en « backlash de la connerie humaine et de l’inaction climatique » ! 

Un printemps bruyant pour faire savoir que chaque bulletin vert mis dans l’urne le 9 juin prochain partout en Europe est utile et même nécessaire. 

Pour faire savoir que chaque vote vert est un vote pour la justice. Que chaque vote vert est un vote pour la vie.  Que chaque vote vert est un vote de résistance.Que chaque vote vert est un vote de résilience.

Faites du bruit,  Oui, faites du bruit. Debout l’écologie ! 

Le 9 juin on vote Marie Toussaint !

Seul le prononcé fait foi, le 4 mai 2024 à Bordeaux