« Le seul vote pour le climat c'est le vote vert »
Discours de Marie Toussaint, tête de liste des écologistes aux élections européennes 2024, à Bordeaux - 4 mai 2024
Amies et amis qui êtes ici présent je veux vous dire merci de vous mobiliser sans cette campagne de européennes. Merci de votre engagement, merci de votre ténacité, merci de votre courage.
Je veux saluer
Pierre Hurmic, Clément Rossignol, Monique de Marco, Nicolas Thierry, Sophie Bussière, Stéphane Trifiletti et Christine Seguinau, nos intervenants et tous les autres qui font vivre l’écologie au quotidien sur notre territoire.
Le combat est rude, et nous ne devons pas ménager notre peine. Mais tenez bon camarades, tenez bon.
Être écologiste, c'est reprendre tous les jours le travail de Sisyphe et risquer à chaque instant de voir détruit l'ouvrage précieux que nous bâtissons pour sortir d'un modèle qui nous mène à l'abîme.
Être écologiste, c'est affronter des forces puissantes qui mobilisent toutes les ressources du pouvoir financier pour corrompre, combattre et condamner toute possibilité de changement.
Être écologiste, c'est croire les scientifiques qui sont aujourd’hui ignorés, méprisés par le gouvernement et harcelés par les marchands de doute.
Être écologiste, c'est savoir qu'il ne suffit pas d'alerter sur les menaces mais qu'il faut aussi trouver les solutions qui conjurent l'effondrement causé par le capitalisme roi.
Tenez bon camarades, tenez bon. Comme tiennent bon les millions de citoyennes et de citoyens qui veulent une autre vie que celle qui leur est réservée par les indifférents qui nous gouvernent.
Citoyennes, citoyens vous demandez le droit de respirer sans crainte, de boire sans danger, de manger sans vous intoxiquer et de vous déplacer sans détruire la planète.
Vous voulez sortir de la prison des toxiques, et par vos comportements d'achat participer un peu à la sauvegarde du monde.
L'effort écologique, vous le faites tous les jours, chaque fois que la possibilité vous est laissée.
Et vous êtes nos meilleurs alliés face aux lobbies.
Alors nous nous tenons à vos côtés, vous qui vivez les ravages du dérèglement climatique, vous qui perdez vos récoltes, votre maison, votre santé ou simplement le gout de vivre car l'angoisse vous étreint chaque jour davantage.
Nous nous tenons à vos côtés et nous disons: quand nous arriverons, ils partiront.
Ils partiront les pollueurs, les destructeurs, les irresponsables qui saccagent la nature,
Ils partiront les cyniques qui piétinent l'avenir,
Ils partiront les empêcheurs de paix qui nous forcent à financer la sale guerre de Poutine en continuant à acheter les fossiles russes.
Ils partiront les inconscients, ils partiront les architectes du chaos. L'écologie est un combat, et nous allons le gagner ensemble.
Depuis toujours, les écologistes ont été les seuls à dire la vérité sur la crise environnementale, les seuls à avertir sur les dangers que le modèle économique dominant faisait courir à la planète, et à l'humanité.
Les autres partis sous-estiment la gravité de la situation, quand ils ne la nient pas tout simplement.
Ils continuent à faire des promesses faciles basées sur de fausses analyses.
À des degrés divers, ils prétendent que tout peut continuer comme avant.
Ce n'est pas vrai.
Regardons autour de nous. Chacun voit ce qui se passe.
Ici, notre ville de Bordeaux est régulièrement inondée ; il faisait 44°C dans les services pédiatriques de l’hôpital l’été dernier ; Soulac sur mer perd des logements, quand la prolifération de bactéries nous interdit régulièrement la baignade dans l’océan...
Les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon ont perdu leurs récoltes, mais un fonds d’investissement à Dubaï veut construire pas loin une usine à saumon. La forêt de la Teste-de-Buch a brûlé, et pourtant Vermilion devrait y ouvrir de nouveaux puits de pétrole.
Quelle folie...
Nous sommes entrés dans un nouveau régime climatique qui conditionne notre avenir.
Soit nous continuons avec le modèle actuel et nous nous enfonçons dans le chaos, soit nous inventons les protections du 21ème siècle dont nous avons besoin.
Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il faut surtout ne rien changer, pour que tout s’améliore.
Prenons l'exemple de l'agriculture.
Dites-moi comment prétendre soutenir l'agriculture en défendant un modèle qui détruit des emplois paysans, concentre les profits dans quelques mains, et dégrade qualité et accès à une alimentation suffisante et équilibrée ?!
Arrêtons l'hypocrisie.
On a tellement enfermé les agriculteurs dans les pesticides dont ils sont les premières victimes qu'ils ne savent plus comment en sortir.
Quand 80% des subventions vont aux 20% des plus grosses exploitations, le problème ce n'est pas l'écologie ; le problème c'est l'injustice de la PAC !
Et mes amis, je veux le dire clairement : si vous pensez que le retour en arrière sur les législations de protection de la nature et de la biodiversité dans le monde agricole n’est qu’un cas isolé, vous vous trompez. Ce qui se passe sur l'agriculture, ce n'est malheureusement que la bande annonce du grand recul écologique si nous n’envoyons pas siéger une force écologiste puissante au Parlement européen le 9 juin prochain.
Regardez du côté de la santé. Ils préfèrent réduire nos droits, l’accès à l’AME, les franchises sur les boîtes de médicaments, et faire payer les « lapins », plutôt que de faire reculer les lobbies qui nous empoisonnent !
Regardez encore du côté des énergies fossiles, dont nous devons sortir de toute urgence.
La majorité politique en Europe, conservateurs, libéraux et socialistes, a sciemment choisi de mettre en place une nouvelle taxe carbone sur les ménages, sur les transports et les logements, tout en remettant en place la politique d’austérité qui empêchera d’aider les moins riches à s’acheter une voiture électrique et d’investir pour résorber les passoires thermiques !
Non contents de vouloir faire payer l’addition aux plus modestes, les droites prétendent EN PLUS qu’elles agiraient au nom de l’intérêt général du continent, de la sacro-sainte compétitivité et même : au nom des classes populaires.
Mensonge, mensonge, mensonge.
La transition écologique doit être juste du point de vue social : ce n'est pas aux plus modestes de payer la note d'un système absurde et destructeur !
Pour les écologistes, pas question de laisser les individus faire face seuls aux conséquences de l'effondrement.
Et je veux le dire à nos concitoyens et en particulier aux plus modestes :
Ce n’est pas de votre faute.
Ce n’est pas de votre faute.
Ce n’est pas de votre faute.
Face à l’inflation, à l’explosion de la précarité, cibler les plus fragiles et casser les services publics comme le fait le gouvernement, ou cibler les étrangers comme le fait l’extrême-droite est une impasse.
Nous devons au contraire renforcer les solidarités !
Face à la faillite du productivisme, nous proposons un modèle de protection sociale et environnementale basé sur la solidarité : l'état providence écologique.
Et comme il est impossible de faire face aux périls écologiques en se limitant au seul cadre national, nous proposons qu'il se déploie à l'échelle européenne.
Nous proposons une autre approche des politiques publiques: prendre soin des gens et de la planète au lieu de faire du profit la mesure de toute chose. Au lieu de chercher la pleine croissance, nous devrions rechercher la pleine santé des personnes qui composent la société, et la pleine santé de la planète.
Les deux enjeux sont d'ailleurs liés. Ce qui est mauvais pour les écosystèmes est mauvais pour nous, car nous faisons partie du vivant.
Toutes les études démontrent les conséquences néfastes du dérèglement climatique sur la santé humaine. En particulier sur les travailleurs les plus exposés !
Alors, il est temps de passer d'une économie qui détruit (notre santé et les écosystèmes) à une économie qui répare (l'environnement et la cohésion sociale).
Voilà pourquoi nous refusons le retour aux politiques d'austérité en Europe...
Et là, nous avons un problème avec les socialistes qui défendent le retour aux critères du pacte de stabilité.
Nous ne sommes pas d'accord.
Le retour aux critères du pacte de stabilité, ça veut dire se priver de la capacité d'investir pour le climat.
Alors, amis socialistes européens, vous qui venez d'accepter le retour de l'austérité en Europe avec vos partenaires libéraux et conservateurs, comment pourrez-vous demain prétendre mener une politique écologique ?
Le vote socialiste, c'est un vote qui parle d'écologie, qui emprunte les mots de l'écologie, mais qui dans le fond, au moment de choisir, continue de défendre le modèle qui nous amène dans le mur.
C’est malheureux mais c’est comme ça. C’est du Canada Dry.
Quand on vous dit qu'il faut revenir aux critères du pacte de stabilité, quand on vous dit qu'il faut revenir à des politiques d'austérité,
Rappelez-vous aussi que cela veut dire mener des politiques indifférentes à la misère qu'elles construisent.
Alors Raphaël Glucksmann, j'ai une question.
Pourquoi faire campagne sans dire clairement à vos électeurs et vos électrices que chaque voix accordée à votre liste renforcera des socialistes européens qui sont pour le retour de l'austérité ?
Pourquoi prétendre vouloir une puissance écologique quand le pacte de stabilité défendu par vos amis nous condamne à l'impuissance écologique? Pourquoi ce manque de cohérence ?
Raphaël Glucksmann, c’est le produit sympa qu'on met en vitrine pour cacher les restes de la boutique. Ne vous y trompez pas.
Le seul vote pour le climat, le seul vote pour la justice, c'est le vote vert. Il faut de la clarté, de la cohérence et du courage.
Nous sommes à l’heure des choix, je le répète.
Soit, c’est la grande reculade, le grand saut en arrière et la coalition avec l’extrême droite c’est-à-dire le Pacte brun ; soit c’est le grand sursaut écologique et social c’est-à-dire la poursuite du Pacte vert.
Oui chers amis, c’est pacte brun contre pacte vert !
Envoyez au parlement des écologistes de combat au parlement européen.
Vous savez que nous combattons. Vous savez que nous agissons.
Regardez dans nos villes, à Strasbourg avec les ordonnances vertes, à Poitiers avec les vacances pour tous, à l’Assemblée et au Sénat avec la réparation des voitures, les revenus dignes pour les paysans ou contre les polluants éternels !
Et ici à Bordeaux où les écologistes se sont battus pour la régie publique de l’eau quand personne ne voulait en entendre parler ! Où nous avons déployé contre la droite la nature en ville ! Où nous avons largement dépassé les objectifs EGALIM...
Forcément ce meeting dans ma ville de Bordeaux me provoque une émotion particulière.
C'est ici que se sont forgées dans l'enfance les prémices de ma conscience sociale.
Ici, dans le quartier des Aubiers, que j'ai grandi, que j'ai partagé les rires et les peines de mes amies d'enfance.
Aux Aubiers, j'ai vu mes parents s'engager contre la précarité et contre le mépris des pauvres.
Le mépris des pauvres c'est une certaine manière de concevoir les rapports de domination dans la société.
Et je suis émue ce soir parce que mon père est présent dans la salle. Ça n'a pas été facile de le convaincre de venir.
Pourtant c'est devant lui que je voulais dire ceci.
Tu vois j'ai retenu ta leçon :
Qui tolère le mépris des pauvres laisse l'injustice recouvrir le monde.
Cette idée m'habite, m’a construite, me poursuit.
Voilà pourquoi je me bats contre la pauvrophobie, la discrimination liée à la condition sociale.
Et voilà pourquoi j'en fais un sujet de la campagne des élections européennes.
Parler de la pauvrophobie, c'est rappeler que des millions de personnes sont menacées par l'explosion de la pauvreté en Europe.
On ne peut combattre la pauvreté sans combattre la pauvrophobie et réciproquement. Les deux choses sont intimement liées.
La pauvrophobie c'est la deuxième lame du rasoir de la domination, celle qui s'attaque à votre dignité en vous discriminant et en vous accusant de tous les maux.
La première lame c'est la pauvreté qui s'attaque à vos conditions d'existence et vous oblige à survivre plutôt que de vivre pleinement.
Si le mot pauvrophobie vous semble trop compliqué, rappelez-vous qu'il a été choisi par des personnes en situation de pauvreté pour désigner les traitements indignes dont elles font quotidiennement l'objet.
Ce mot cache une réalité simple : le harcèlement subi par les personnes en situation de pauvreté.
C'est la politique du gouvernement Macron.
Regardez les dernières propositions du gouvernement en matière de logement: après la traque des chômeurs, après les accusations contre les familles des quartiers populaires, la chasse aux pauvres continue. Ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas tolérable. Il faut en finir avec cette politique de violence sociale institutionnalisée.
Mais comment ? Comment, me direz-vous. En préparant une alternative politique.
Nous devons nous donner les moyens de construire une majorité politique dont le but est de changer les règles du jeu, en France et en Europe.
Alors je veux dire un mot sur ce qui se passe aujourd'hui dans le camp de la gauche et des écologistes: l'esprit de division n'est pas la solution.
Partir séparément dans une élection à la proportionnelle n'a rien de grave. C'est même banal.
Mais instaurer un climat de terreur entre forces de gauche et écologistes est une faute politique lourde.
Au nom de quoi devrions nous nous insulter ?
Au nom de quelle règle absurde devrions-nous nous infliger d'écrire tous les jours un nouvel épisode de la débâcle construite par la logique de division permanente que certains veulent imposer de force?
On me reproche parfois une dose de naïveté quand je refuse de participer à la guerre des gauches.
Mais m'accuser de naïveté parce que je dis que nous ne devons pas creuser des fossés infranchissables, c'est exonérer les fossoyeurs de l'unité de leurs responsabilités.
Ceux qui utilisent la campagne des élections européennes pour fracturer la gauche ont tort.
Jean Luc Mélenchon a choisi de commencer la campagne présidentielle de 2027 en 2024, éclipsant sa tête de liste pour les élections européennes, et en éclipsant les élections européennes elle-même. Cette stratégie lui appartient mais nous n'avons pas le droit de le laisser effacer l'Europe.
Alors je sais que Jean-Luc Mélenchon n’aime pas l’Europe, mais il se trouve que l’Europe est la bonne échelle pour mener la bataille politique pour sauver le climat !
Alors oui, nous, nous parlons d'Europe dans cette campagne des Européennes et nous continuerons à le faire !
Mais ce soir, monsieur Mélenchon, je veux aussi parler de la France et de la politique de désolation vous y poursuivez.
Elle porte un nom : la politique de la terre brûlée.
Voilà votre stratégie : diviser la gauche en deux blocs, empêcher toute union qui risquerait de se faire sans vous, prendre la tête du bloc de la radicalité et contraindre tout le monde à vous suivre.
Au millimètre près, voilà ce que vous faites.
Peu vous importe que la gauche ne soit faible collectivement si vous y restez puissant individuellement.
Mais pour être la dernière quille debout dans un champ de ruines, vous ne divisez pas seulement la gauche: vous soufflez sur les braises de la polarisation et choisissez d'ajouter la tension à la tension, la brutalité à la brutalité.
Et là monsieur Mélenchon, votre faute n'est pas seulement politique. Elle devient également morale.
Pour vos ambitions personnelles, vous êtes prêt à porter à incandescence la moindre polémique, pourvu que générant du conflit, elle nourrisse votre installation en leader de l'insoumission.
Mais si votre stratégie échoue, comme trois fois déjà ce fut le cas... quelle sera votre postérité politique ?
Qu'aurez-vous légué au pays si ce n'est la division, et qu'aurez-vous enseigné aux jeunes générations si ce n'est l'amour de la brutalité ?
Vous valez mieux que ça, je le pense sincèrement. Alors faites mieux !
Pour ma part je refuse de participer à la polarisation parce que j'y vois le visage de la désolation et que je pense qu'elle ne profitera qu'à l'extrême-droite.
Notre responsabilité c'est de ne pas laisser la violence devenir la grammaire du monde.
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Chers amies, je résume : entre la brutalité érigée en politique, et le flou érigé en stratégie, il y a une troisième voie possible dans cette élection.
Cette troisième voie c'est celle proposée par les écologistes :
- la clarté comme chemin de l'unité après les européennes,
- la douceur comme horizon social contre la guerre de tous contre chacun,
- l’état providence écologique européen comme projet face aux égoïsmes nationaux.
Voilà ce que nous défendons comme perspective politique.
Je vous appelle toutes et tous à ne pas céder à la fatalité.
Nous avons plus que jamais besoin d’Europe et de son unité pour faire face aux défis du monde :
La paix en Ukraine, et à Gaza évidemment pour laquelle nous continuerons à nous battre, pour la libération des otages, un cessez-le-feu immédiat et permanent, et la solution à deux états, l’émergence de l’extrême-droite qui veut porter atteinte à nos démocraties, aux droits humains et au projet européen,
et évidemment l’accélération du dérèglement climatique.
Alors empoignez cette élection. C'est la vôtre !
Vous savez, rien n’est impossible à qui sait mener bataille. C’est l’abnégation, la détermination et la cohérence sans faille des écologistes qui font notre force !
Qui a célébré à Bègles, le tout premier mariage gay de l’histoire de France, c’est Noël Mamère !
Qui a fait inscrire l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, si ce n’est Mélanie Vogel, la présidente du Parti Vert Européen ?!
Qui a fait interdire la pêche électrique en Europe et s’affronte aujourd’hui au géant climaticide Total, c’est Yannick Jadot et je le sais Yannick : ce combat-là aussi, nous allons le gagner !
Vous pouvez aussi compter sur moi, comme vous avez pu compter sur moi par le passé, quand en 2018, nous avons été 2,5 millions à faire condamner l'État français pour inaction climatique. Quand en moins d’une mandature, nous avons fait inscrire le crime d’écocide dans le droit européen !
Alors ne perdez pas espoir. Vous êtes la clé de la réussite de notre bataille.
Sur le terrain contre les projets destructeurs que sont la LGV, les mega-bassines, ou l’A69,
Dans nos mairies et au parlement,
et au Parlement européen, avec David, Mélissa, Mounir, Majdouline, Benoit, Caroline, Abdoulaye, Priscillia, Amine...
Et en Europe, pour l’Europe ! Pour la justice, pour la paix et pour l’écologie ! Le 9 juin votez et faites voter écologiste !