Protection du loup : pour une politique de cohabitation juste et efficace

Depuis 2017, la protection du loup (Canis lupus) en France est systématiquement affaiblie par les différents gouvernements. Dernier épisode : l’autorisation donnée aux éleveurs de tirer librement sur cette espèce protégée, au mépris des engagements européens et de la Directive Habitats-Faune-Flore (92/43/CEE). Espèce inscrite sur la liste rouge de l’UICN, le loup est passé d’espèce strictement protégée à espèce protégée avec autorisation de tir. Cette décision, prise sans aucune étude scientifique sur son état de conservation en France, ouvre la voie à une destruction incontrôlée, menaçant non seulement cette espèce mais toutes les espèces protégées du pays.
Les Écologistes s’opposent fermement à ce déclassement tant que la population de loups ne sera pas stabilisée sur notre territoire national. Nous demandons que des études scientifiques soient produites afin d’évaluer son degré de vulnérabilité. Par ailleurs, nous demandons que les prélèvements actuellement autorisés dans le cadre du Plan Loup n’affectent ni les meutes ni la dynamique globale de la population lupine.
En 2023-2024, la population française de loups était estimée à environ 1 000 individus, bien en dessous du seuil de viabilité génétique (2 500 à 5 000 individus). Malgré cela, le quota annuel de prélèvements est fixé à 19 % de la population, soit environ 1 loup sur 5. Cette pression létale, renforcée par les 3 000 arrêtés de tirs émis chaque année, met en danger la diversité génétique et la viabilité à long terme de l’espèce.
Les tirs humains perturbent la structure sociale des meutes et leur comportement de chasse. Les jeunes loups, privés de l’encadrement des adultes expérimentés, se tournent plus souvent vers les troupeaux, aggravant paradoxalement les prédations que l’on prétend réduire. Ces effets démontrent que la régulation par les tirs est non seulement inefficace, mais contre-productive sur le plan écologique.
Le loup est un acteur essentiel des écosystèmes :
· 76 % de son alimentation provient d’ongulés sauvages, contre seulement 16 % de cheptel domestique.
· Il régule naturellement les populations de chevreuils et de sangliers, éliminant les individus faibles ou malades et limitant ainsi les épidémies.
· En nourrissant les charognards, il participe au recyclage de la matière organique et à la réduction des risques sanitaires.
· Dans les forêts, il favorise la régénération des jeunes plants et renforce la résilience des écosystèmes face au changement climatique.
Les exemples internationaux sont parlants : en Italie et en Espagne, où les populations de loups sont plus importantes, les attaques sur le bétail sont proportionnellement moins nombreuses. Ces pays peuvent inspirer la politique française en matière de coexistence. La cohabitation est donc possible lorsqu’elle est organisée, planifiée et soutenue par des politiques publiques cohérentes.
Dans les zones où l’espèce est bien établie, comme l’arc alpin, les mesures de protection non létales (clôtures électrifiées, chiens de protection, présence humaine, effarouchement) réduisent les prédations, parfois jusqu’à 100 %. Ces dispositifs doivent être généralisés et accessibles à tous les éleveurs, avec un accompagnement technique renforcé et un volet pédagogique anticipé pour les territoires non encore recolonisés.
Les Écologistes rappellent que le véritable problème des éleveurs n’est pas le loup, mais des conditions économiques difficiles, des revenus agricoles faibles et des injonctions contradictoires de la société. Le loup ne fait que révéler les limites d’un modèle agricole productiviste. Nous affirmons qu’il est possible de vivre dans un pays peuplé de loups et que le pastoralisme est le seul mode d’élevage prenant réellement en compte la sentience des animaux domestiques.
Propositions pour une politique de cohabitation efficace :
- Renforcer et généraliser les mesures de protection non létales pour tous les éleveurs, avec accompagnement technique et aides financières.
- Suspendre les tirs et quotas létaux tant que la population n’est pas stabilisée et évaluer scientifiquement leur impact.
- Produire des études rigoureuses sur l’état de conservation des loups et la dynamique de leurs populations.
- Sensibiliser et former les éleveurs à la cohabitation et à la protection des troupeaux.
- Valoriser le métier de berger et le savoir-faire pastoral, conciliant agriculture durable et préservation de la biodiversité.
La vraie question n’est pas “faut-il tuer les loups ?” mais : “quelle société voulons-nous construire ?”
Une société en guerre contre les autres vivants ou une société capable de cohabiter, de respecter les équilibres naturels et d’assurer un avenir aux générations futures ?
Aminata Niakaté, porte-parole Les Écologistes
La commission Biodiversité et nature
La commission Agriculture & ruralité