Discours de Marine Tondelier aux Journées d'été des Ecologistes 2025

Seul le prononcé fait foi

Bon je vous préviens je suis très en forme.

J’espère que vous aussi !

Bien.

Que tout le monde se le tienne pour dit ! 

*

Très en forme et heureuse, aussi, évidemment. Parce que vous retrouver, chers amis Écologistes, c’est toujours une émotion particulière…. Et c’est également avec beaucoup d’émotion que je tiens à saluer la présence, ici, à nos côtés, de nos compagnons et de nos compagnonnes de route, de galère et d’espoir que je vous demande d’applaudir TRÈS fort :

J’ai nommé …

Lucie !

Olivier, pour le Parti Socialiste

Alma, pour la France Insoumise

Igor, pour le Parti Communiste

Clémentine, pour l’Après

Benjamin, pour Génération.s

Thierry, pour Place publique

Sophie, pour Debout !

Vous êtes tous venus.

Tous.

Et je veux vous en remercier, parce que l’avenir du pays dépend de la capacité que nous aurons, toutes et tous, ici, à trouver un chemin de coopération.

Parce que quoi que vous nous disiez ou que vous ne nous disiez pas tout à l’heure lors de la plénière, votre simple présence est déjà un signal : un signal très positif envoyé à toutes celles et ceux qui comptent sur notre camp politique pour être à la hauteur de l’histoire qui s’accélère.

Un signal aussi envoyé à celles et ceux qui rêvaient d’écrire, où l’ont d'ailleurs déjà fait sans même attendre de voir qui viendrait, que : “la gauche ferait sa rentrée divisée”.

Et à chacun d’entre vous chers partenaires, je veux le dire - vous le savez mais je vous le redis au cas où : 

Chez nous, vous serez toujours chez vous.

Et comme il faut se préparer à tout dans les semaines qui viennent, sachez d’ailleurs qu’en cas de dissolution, les portes de notre local vous seront toujours ouvertes.

Juste un petit message de service : nous avons déménagé !

En cas d’urgence, ne venez donc surtout pas au 10 rue des petits hôtels, nous vous indiquerons notre nouvelle adresse, celle à laquelle s’écriront je l’espère nos prochaines victoires collectives !

*

Nous voici donc réunis à Strasbourg.

Une ville écologiste, et nous sommes très fiers de sa maire Jeanne Barseghian et de toute son équipe municipale.

Cette ville a payé le prix des conflits aussi, le prix de la discorde.

Depuis, en accueillant le parlement européen, Strasbourg est devenue la preuve que l’humanité sait reconstruire après avoir détruit, se réconcilier, après avoir combattu, et avancer, après avoir reculé dans la barbarie et l’atrocité.

Oui, il y a, à Strasbourg, bien des leçons qui sont encore vivaces aujourd’hui.

Il y a des grandes figures, aussi, qui peuvent et doivent nous inspirer. Je pense, en particulier, à ce jeune allemand venu étudier ici, dans cette ville.

Son nom ? Goethe. 

C’est lui qui, au XIXème siècle, a déclaré : « On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin ». (je répète en regardant chacun d’entre vous chers collègues : « On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin »).

Au moment où les obstacles nous entourent, au moment où le pessimisme et le fatalisme nous menacent, Goethe nous rappelle l’importance de voir un chemin, là où d’autres verraient une impasse.

Il nous rappelle l’importance de l’imagination, de la détermination, et de la capacité à construire.

Il nous rappelle ce que devrait être la politique : non pas l’art de commenter ou d’attendre, mais la responsabilité d’agir, ici et maintenant.

*
La responsabilité…
C’est ce mot dont je veux faire la clef de notre rentrée.
La responsabilité qui refuse les dérobades, les renoncements, et qui regarde en face les crises de notre temps pour y répondre.
La responsabilité, ce n’est pas un mot abstrait. C’est ce qui fait la différence entre ceux qui détournent le regard et ceux qui prennent leur part.

Entre ceux qui fuient et ceux qui assument.

Entre ceux qui retardent et ceux qui construisent.

Et quand nous regardons la situation politique actuelle, chers amis, le constat est clair : nous sommes entourés de responsables politiques profondément irresponsables - et je ne parle évidemment pas de ceux qui sont ici au premier rang, mais bien de celles et de ceux qui prétendent nous gouverner en ce moment !

*

Ils sont irresponsables dans tellement de domaines que je ne sais pas par lequel commencer.

Allez, tenez,

Par le fait qu’ils sont irresponsables démocratiquement par exemple !

Ils n’ont tiré aucune leçon de la crise des gilets jaunes.

Des femmes et des hommes se sont déplacés par centaines de milliers, dans toute la France, pour s’exprimer dans des cahiers de doléances, pour faire part de leur vécu, de leurs espoirs et de leurs peurs.

Pourquoi ? Parce que le Président de la République leur avait promis de les rendre intégralement consultables en ligne, et parce que je le cite, Emmanuel Macron avait déclaré que « nous sommes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre ».

Bon, en fait il devait avoir quand même un peu peur parce qu’il a soigneusement enterré le tout.

Puis il a décidé, seul, une dissolution pour - je le cite encore - « donner la parole au peuple français et que c’était, je le cite toujours - je ne l’ai jamais autant cité - un « acte de confiance dans la démocratie”, pour finalement faire l’inverse de ce que les électeurs avaient demandé.

A la crise démocratique, s’ajoute la crise économique. Ici encore, l’histoire est hallucinante. Mais elle est simple.

Coluche aurait pu en faire un sketch. Imaginez : “C’est l’histoire d’un mec - vous la connaissez non ? - C’est l'histoire d’un mec, le mec euh, normal le mec. Président de la République.

C’est l’histoire d’un mec qui pendant des années, mène une politique de riche, pour les riches, par les riches ! Il baisse les impôts, multiplie les cadeaux. Et qu’arrive-t-il alors ? Stupeur… Eh bien, évidemment, et c’est d’une logique implacable, ça aggrave le déficit et donc la dette.

Et là, le mec qu’est ce qu’il fait ? Il dit qu’il y a trop de dettes. Bon OK. Jusque là on suit le raisonnement. Mais au lieu de dire “bon bah du coup je vais agir sur la cause du problème, revenir sur la logique qui nous a amenés là, et mettre en place par exemple la taxe Zucman (au hasard), et bah lui non.

Non, il ne se dit pas ça le mec.

Il nomme un Premier ministre et lui demande de prendre son air le plus contrit pour expliquer que « l’heure est grave et qu’ il va falloir faire des efforts ».

Mais pas les plus riches hein. Non, tous les autres.

Et quand du coup, les autres ne sont pas contents, il prend son air de soi disant “Mozart de la finance” pour nous expliquer qu’on n’a rien compris parce tout ça est très compliqué - sous entendu : on n’est pas assez intelligents pour comprendre - et que de toute manière on n’a pas le choix et qu’en plus c’est pour notre bien.

Et il croit vraiment que cela va marcher comme ça, qu’on va lui dire : « oui, bien sûr, prenez vite nos jours fériés, continuez à démanteler nos services publics ! D’ailleurs ne voulez-vous pas prendre aussi les congés de Noël y a pas de problème ? Vraiment, on le fait, c’est pour la France.

”Et puis bien sûr, c’est l’occasion pour la droite, de manière quasi jubilatoire pour elle, de nous ressortir l’éternelle rengaine contre les fonctionnaires, trop nombreux et trop bien payés !

Pourtant, c’est étonnant mais ces soi-disant métiers privilégiés connaissent une des pires crises d’attractivité de leur histoire.

Si la fonction publique est une sinécure, où sont tous les candidats ?

Vous savez, je discute avec de nombreux professeurs, policières et policiers, agents d’accueil, de service, avec des infirmiers et des infirmières, des internes, des catégories A, B, C, bref, tous les agents de la fonction publique.

Et à chaque fois, ce qui me frappe, c’est leur sens de l’intérêt général, et leur capacité à continuer à agir alors qu’ils exercent leur métier dans des conditions de travail de plus en plus impossibles : locaux souvent en mauvais état, salaires indécents, logiciels qui ne leur laisse de moins en moins de libertés d’action, obligations ubuesques et politiques du chiffre irréalistes et délétères.

Sincèrement, c’est admirable. Mais c’est aussi scandaleux.

Parce que ces personnes qui prennent soin des autres méritent que l’on prenne soin d'elles.

Parce qu’évidemment, cet affaiblissement de nos services publics ne fait pas uniquement souffrir les fonctionnaires.

Il aggrave parallèlement et mécaniquement la souffrance et les difficultés des usagers, puisque nous savons à quel point les services publics sont au cœur de la préservation du tissu social.

Les services publics sont l’héritage de ceux qui n’en ont pas ! Les ressources de ceux qui n’en ont plus ! L’expression la plus concrète et la plus tangible de notre devise républicaine, de liberté, d’égalité et de fraternité! !

Quand quelqu’un a besoin de soins, la carte bancaire ne doit jamais remplacer la carte vitale et on se battra pour que ce ne soit pas le cas !

*

Mais l’irresponsabilité de ceux qui nous gouvernent n’aggrave pas uniquement la crise démocratique et la crise économique. Elle aggrave aussi considérablement la crise écologique.

C’est 13 milliards d’euros de moins pour le budget de Ma Prime Renov depuis 2023. Et maintenant carrément sa suspension.

C’est favoriser l’élevage industriel, le déploiement des méga-bassines, l’artificialisation des sols, tout ça grâce à une loi Duplomb qui fait tout à l’envers, y compris en termes de procédure parlementaire !

C’est le non-renouvellement du pass rail pour les jeunes, une baisse drastique des aides pour les véhicules électriques.

C’est la réforme du chèque énergie et la division par 5 de l’enveloppe prévue pour le plan Vélo qui s’approche désormais dangereusement de zéro !

C’est une baisse de 54% du fonds vert à destination des collectivités !

C’est la dépénalisation des atteintes aux espèces et milieux protégés, c’est contourner la justice pour permettre la reprise des travaux de l’A69 !

C’est aussi, parce que leur mépris néo-colonial va de pair avec leur mépris pour l’environnement, la suppression de l’accord préalable de l’ONF pour l’octroi d’un titre minier en Guyane !

Et la liste est encore longue, malheureusement.

Macron s’est beaucoup vanté sur la scène internationale de son « écologie à la française ». Mais la vérité, c’est que son “écologie à la française” a des allures d’écocide !

*

Mes amis, il est hors de question de les laisser s’en tirer à si bon compte.

Le backlash anti-écologiste à l’œuvre au gouvernement est important, violent et massif. C’est à nous de nous assurer que le backlash du backlash, c’est à dire backlash populaire contre leur backlash à eux, soit encore plus massif, encore plus impressionnant !

Donc leurs reculs, nous allons non seulement continuer de les combattre, mais aussi les compiler ensemble.

Comment ? En mettant en place, dans les prochaines semaines, en lien avec les groupes parlementaires, l’observatoire des reculs écologiques.

Tout le monde pourra contribuer à cet observatoire, et recenser les reculs, à toutes les échelles : dans le monde, en Europe, en France, dans nos régions, nos départements, nos villes et nos communes.

Et non seulement on va identifier ces reculs, mais nous en évaluerons les conséquences concrètes, en lien avec des scientifiques et des experts, pour qu’à chaque mesure corresponde son impact concret et délétère le quotidien des Français.

Le démantèlement de Ma Prim’ Rénov par exemple ! Combien de logements rénovés en moins ? Combien de familles qui continueront à être confrontées à l’effet passoire thermique l’hiver et à l’effet bouilloires thermiques l’été ? Dont la précarité énergétique sera aussi une précarité financière, aura des effets sur leur santé physique, sur leur santé mentale, sur la réussite scolaire de leurs enfants ? Quelles émissions de CO2 ne seront pas évitées ?

Si c'est allé si vite, c’est aussi pour que les français n’aient pas le temps de réaliser. Ou même de s’y intéresser.

On a juste voulu installer le match : gouvernement des lobbies 1 - écologistes 0.

Mais quand l’écologie recule dans les faits, ce ne sont pas les écologistes qui perdent des points. C’est tout le monde. C’est la qualité de l’eau que vous buvez, de l’air que vous respirez, c’est ce que vous mangez !

Oui, dénonçons ces reculs. Pour que celles et ceux qui pensent pouvoir aller contre le bien commun et notre avenir commun vous regardent dans les yeux et assument leurs actes sans pouvoir vous enfumer sur leurs conséquences.

Pour que personne ne puisse dire : « Mais, on ne savait pas ! ».

Si.

Nous savons.

Nous vous voyons aussi.

Ces lois, vous les avez votées.

Ces mesures, vous les avez adoptées.

Un vote cela engage.

J’imagine que c’est dur à comprendre pour un Président qui a bafoué les règles du jeu démocratique lors des dernières législatives, mais nous prenons, nous, le vote très au sérieux.

*

Par contre je doute du sérieux de ceux qui nous gouvernent.

François Bayrou reprend les causeries au coin du feu initiées par Pierre Mendès France pendant la 4ème République. Seulement, avec Bayrou, le feu n’est pas dans la cheminée. Il est dans nos forêts ! Il est dans nos régions ! Et lui, il disserte !

Alors que des milliers d'hectares brûlent dans l'Aude, Bayrou nous gratifie généreusement de 45 secondes sur l'adaptation au changement climatique dans ses vidéos YouTube lunaires. Et vous appelez cela un premier Ministre ? Moi j’ai du mal. Pour voir un Premier Ministre, il faut regarder au-delà des Pyrénées. En Espagne. Eux aussi font face à des incendies. Et que fait leur Premier Ministre ? Il propose un pacte national pour l’urgence climatique.

Vous la sentez la différence entre la responsabilité de la gauche quand elle gouverne et celle des autres ? Ici encore, ce qui guide Bayrou, ce n’est pas l’avenir du pays, mais son avenir à lui, à Matignon, qui dépend de la droite et de l’extrême droite à qui il fait la danse du ventre en permanence.

Cet homme qui a tant de mal à se souvenir du passé quand il s’agit de Bétharram, mais qui pour le coup n’oublie jamais de penser à son futur personnel. A tel point qu’on peut se demander si son unique travail au Commissariat au Plan n’a pas été de préparer son plan personnel d’arrivée à Matignon…

Un objectif si noblement atteint, en se roulant par terre sur la moquette dans le bureau du Président de la République.

Mais en attendant, aujourd’hui, c’est nous qui avons été roulés, floués… et qui sommes surtout inquiets.

***

Parce que cette irresponsabilité du gouvernement, elle s’étend malheureusement jusqu’à favoriser la montée de de la droite extrême et de l’extrême droite..

Avec, comme toujours, un Bruno Retailleau qui se livre au grand jeu de la surenchère et de la provocation.

Quand est-ce que Macron arrêtera de penser qu’on lutte contre l’extrême droite en imitant l’extrême droite, en nommant et en laissant carte blanche à des ministres comme Retailleau et Darmanin ?

Nous le savons, ici : on combat l’extrême droite… en combattant l’extrême droite ! C’est simple non ? Dire que Macron et les autres qui, comme lui, sont si intelligents ne le comprennent pas !

Pour celles et ceux qui étaient là à 13h00, et pour ceux d’ailleurs aussi qui n’y étaient pas, tout ce que je vous explique depuis le début de ce discours fait écho au livre de Johann Chapoutot : Les irresponsables !

Son auteur, spécialiste des fascismes et du nazisme, nous a expliqué comment les élites politiques, médiatiques, économiques ont permis l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933.

Pourquoi ? Parce que, comme en France à la même époque, ils se méfiaient davantage des réformes sociales - congés payés, 40h, droits syndicaux - que du fascisme ou du nazisme.

Vous savez, c’est le fameux “plutôt Hitler que le Front populaire”. Et on sait où ça nous a menés

En somme, Johann nous explique comment les élites ont ouvert la voie à l’extrême droite. Et nous les voyons, aujourd’hui, recommencer avec leur “signe égal” entre la gauche et Marine le Pen !

Et je le précise : l’irresponsabilité n’est pas l’apanage de certains politiques. Elle concerne aussi une part des élites économiques, et en fait toutes celles et ceux que le regretté Bruno Latour appelait les “élites obscurantistes”.

« Élites obscurantistes », c’est un oxymore provo- cateur, qui associe deux idées normalement opposées : les élites – qui sont censées regrouper les personnes les plus instruites, les mieux informées dans la société – et l’obscurantisme – attitude qui s’oppose à la diffusion du savoir, à l’esprit critique, et qui maintient les peuples dans l’ignorance ou la peur.

Parler d’« élites obscurantistes », c’est dénoncer des personnes de pouvoir ou d’influence qui utilisent leur position non pas pour éclairer, mais pour désinformer, manipuler, semer le doute au détriment de la vérité, de la justice ou du progrès pour préserver leurs intérêts ou faire avancer leur agenda politique.

Cela va du ministre qui minimise les rapports du GIEC au chroniqueur influent qui dénigre systématiquement les chercheurs ou les militants écologistes au nom du « bon sens », en passant par l’entreprise qui sème le doute sur la toxicité de ses produits malgré des preuves accablantes.

Heureusement, toutes les élites ne sont pas obscurantistes. Et je suis consciente qu’en dénonçant les élites, on court le risque de subir un procès pour populisme.

Mais je crois aussi qu’il y a, justement par peur de se voir accuser de populisme, une trop grande complaisance vis-à-vis de certains comportements.

Et après avoir évoqué, à la suite de Johann Chapoutot, « les irresponsables », j’aimerais vous parler des “Ingénieurs du chaos”, de Giuliano da Empoli. (vous le constatez, j’ai eu des lectures sympathiques cet été !).

Il y analyse la montée du populisme et dénonce la façon dont elle est nourrie et accompagnée par des experts, qui agissent dans l’ombre, et qui font notamment un usage particulièrement pervers des réseaux sociaux.

Derrière chaque figure populiste – au premier rang desquelles Donald Trump – se cache le travail d’un certain nombre de spécialistes qui savent, eux, ce qu’ils font.

Giuliano da Empoli analyse notamment la fameuse stratégie du « flood the zone ». C’est une tactique, qui consiste à balancer, il n’y a pas d’autres mots, tellement d’informations provocantes, fausses et manipulatrices, qu’il y en a forcément dans le lot une ou deux qui passeront, et qui, selon la formule consacrée « imprimeront » dans l’opinion publique.

Et ce n’est qu’un exemple de la manière dont se mène, en permanence, une bataille culturelle, dans laquelle nous avons pris un retard préoccupant.

Oui, cela doit nous alerter. Nous questionner.

Parce que devant la montée de l’extrême droite, devant l’offensive assumée d’un Pierre Edouard Stérin, devant la violence des raids numériques et la montée du masculinisme, nous sommes face à des gens qui, chacun à leur manière, chacun à leur niveau, nourrissent un chaos, une conflictualité, que nous ressentons aujourd’hui dans toutes les luttes.

Voilà à quelle ingénierie délétère nous sommes confrontés.

Une bascule fasciste est à l'œuvre au niveau mondial, comme si les Etats étaient des dominos alignés qui tombent les uns après les autres. De grandes démocraties basculent. Une par une. Même celles qui nous paraissaient vaccinées, comme les Etats-Unis.

Comment enrayer l’effondrement ?

Nous avons un rôle à jouer. Historique. Parce que la France fait partie des prochains dominos.

Et si la France bascule, c’est l’Europe qui vacille.

Alors on fait quoi ? C’est de cela dont je veux vous parler maintenant !

*

Oui, notre responsabilité, à nous, est immense. Et elle se déploie à trois niveaux.

Responsabilité de vérité, d’abord : ne pas mentir sur la gravité de la situation. Dire que oui, le monde change. Mais dire aussi qu’il peut changer dans le bon sens si nous agissons.

Responsabilité de propositions, ensuite : nous ne sommes pas des prophètes de malheur. Nous sommes des apporteurs de solutions.

Responsabilité d’espoir, enfin : refuser le fatalisme, refuser la résignation, et redonner confiance dans la politique, dans la démocratie, dans l’action collective, au niveau national, comme international.

*

Je pense, naturellement, à la guerre en Ukraine.

La paix ne sera pas le fruit d’une déstabilisation du pouvoir ukrainien, comme semblent le penser certains irresponsables politiques français.

Il n’y a rien à attendre non plus, dans ce domaine, du président Américain. Donald Trump a déroulé le tapis rouge au criminel de guerre Vladimir Poutine sans résultat tangible ni pour la paix en Ukraine, ni pour la sécurité des Européens.

Il nous a simplement offert le consternant spectacle d’une idylle sans deal.

Oui, la paix passe nécessairement, d’abord, par une aide assumée et totale à l’Ukraine. Parce que c’est une Ukraine forte et soutenue, qui est la seule garantie du respect du droit international sur place et d’une paix durable en Europe.

Le but de Poutine, ce n'est pas de conquérir le Donbass, l'objectif de Poutine ce n'est même pas de conquérir l'Ukraine. C'est de revenir à un impérialisme soviétique ! Et il ne s’en cachent même pas ! C’était écrit noir sur blanc sur sur le t-shirt de Lavrov présent en Alaska.

L'objectif de Poutine c'est la fin de l'Union Européenne, c'est la fin d'un modèle bâti sur l'État de droit, la démocratie, le respect des minorités.

*

Celles et ceux qui déclarent ne pas se soucier de l’Union Européenne sont libres de le faire : ils doivent cependant assumer que, dans ce cas, ils servent les intérêts des impérialistes qui souhaitent vassaliser l’Europe.

Oui, une autre orientation politique de l’Union Européenne est souhaitable, et c’est d’ailleurs ce que portent nos élu.e.s au Parlement européen.

Je m’inquiète de ceux qui jubilent de voir l’Europe affaiblie, et qui l’affaiblissent encore par leurs critiques dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice.

Les échecs et les reculs actuels ne nourrissent, en moi, qu’une seule conviction : la nécessité absolue d’avoir une Union Européenne plus forte, plus déterminée, et qui soit consciente de son poids, de son pouvoir et de ses responsabilités !

Et en parlant du rôle et du devoir de l’Union Européenne, comment ne pas penser à ce qui se passe à Gaza ? A ce génocide, à ces atrocités que nous laissons commettre avec une passivité criminelle.

Criminelle, car Gaza est désormais un cimetière.

Un cimetière où l’on assassine, où l’on affame, où aucun statut, aucun droit n’est respecté. Les civils meurent, les enfants meurent, les journalistes meurent. Personne n’est à l’abri. Et cela continue, encore et encore.

Oui, ces atrocités sont devenues, depuis de longs mois, cruellement et tristement routinières.

Nous, écologistes, refuserons toujours de laisser s’éteindre en nous l’indignation qui nous étreint devant le sort des Palestiniennes et des Palestiniens.

La première urgence, bien sûr, c’est la proposition que nous avons faite dans une tribune en juillet dernier : il est de notre responsabilité, de celle de la France, de briser le blocus et de déployer efficacement des navires de la marine pour livrer de l'aide humanitaire.

Je le redemande ici, devant vous, solennellement, au Président de la République. Il est plus que temps d’agir !

Il est temps d’arrêter de livrer des armes à Israël.

Il est temps de mettre fin à l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

Il est temps que les sanctions soient non seulement décidées, mais appliquées.

Il faut aussi condamner, avec la plus grande fermeté, le projet de colonie dit E1, validé par le ministre israélien d‘extrême droite, qui impliquerait la construction de 3000 logements et qui serait un nouveau clou dans le cercueil d’une solution à deux Etats.

La France et l’Europe doivent exercer une pression claire, nette et continue, pour obtenir un cessez-le-feu permanent, la libération de tous les otages, et en finir avec le génocide en cours.

Sans cela, en quoi serions-nous à la hauteur de nos responsabilités ? Sinon, comment la communauté internationale pourrait-elle prétendre défendre la justice et l’équité ?

Sinon, comment pourrions-nous continuer à défendre l’idée même d’un droit international, idée pourtant absolument essentielle et déterminante, et que l’impunité dont bénéficie Netanyahou vient aujourd’hui fragiliser !

Gaza est un cimetière : il est celui de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Il est aussi celui des ambitions du droit international.

Et cela nous fragilise, parce que le droit, c’est la condition même d’une coexistence apaisée, c’est la condition même pour ne pas sombrer dans le règne de l’arbitraire et la loi du plus fort !

Le droit international n’est pas à géométrie variable ! Il vaut pour l’Ukraine, comme pour la Palestine, comme pour tous ces conflits qui sont toujours trop souvent oubliés, comme le Yémen, le Congo, le Soudan, Haïti, la Birmanie, ou la situation des Ouïghours en Chine.

La justice n’est pas un parti-pris. Ce n’est pas une opinion ou un luxe réservé à certains pays. Cela vaut pour tous les pays, pour tous les peuples, et il n’y a aucune raison d’en priver les Palestiniennes et les Palestiniens !

Voilà !

Les choses sont claires, elles doivent l’être, c’est aussi cela être responsable ! A tous les niveaux, à toutes les échelles, dans tous les domaines !

*

Vous l’avez bien compris, ce discours des journées d’été est placé sous le signe de la responsabilité.

Cela tombe bien, je suis ce soir entourée d’un certain nombre de responsables politiques. Et les responsabilités, nous entendons, nous, les assumer pleinement. Ensemble.

Et bien sûr je vais parler des Présidentielles, mais avant, il y a les municipales.

Et au moment d’aborder ce point, permettez-moi de saluer et de dire à quel point nous sommes fiers non seulement de nos maires écologistes mais de toutes leurs équipes dans les villes, les villages du pays qui font vivre l’écologie politique.

À toutes et tous je dis bravo, et merci !

En 2020, la vague verte qui a déferlé sur la France en mettant des écologistes à la tête de communes comme Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Besançon, Tours, Poitiers et tant d'autres villes et villages comme Naves, Auray, Luc sur Aude, plus de 100 au total, cette vague verte a symbolisé une envie de changement concret, local, et durable. Une aspiration à vivre mieux.

Nous sommes extrêmement fiers de tout ce qu’ils ont accompli depuis. Oui, mesdames et messieurs, dans les communes écologistes, on améliore le quotidien et on protège les lendemains !

Alors, en 2026, notre objectif est clair : conserver les villes écologistes et de gauche, mais aussi en conquérir un maximum de nouvelles, de toutes tailles, et dans tout type de territoires. Et nous sommes prêts.

Prêts à accompagner et soutenir, très concrètement, celles et ceux qui s’engagent sur le terrain.

Dès demain, nous sortirons un site ressources dédié à toutes celles et ceux qui s’engageront pour l’écologie aux élections municipales.

Vous y trouverez tout ce qu’il vous faut, notamment des supports de formation ouverts à tous nos sympathisants, via notre Académie verte, des réalisations emblématiques de l’action municipale de nos élu·e·s, et un socle programmatique de 200 mesures que vous pourrez utiliser selon vos besoins et ceux de vos territoires - parce que c’est vous qui les connaissez le mieux que n’importe qui et que certaines sont adaptées à certains strates et pas à d’autres.

Cette plateforme programmatique écologiste pour les municipales est issue d’un travail collectif des commissions du mouvement et des élu.e.s locaux que je remercie.

Notre programme n’est pas abstrait. Il est concret, testé et approuvé.

Il s’inspire et prend ses racines dans un travail mené main dans la main à longueur d’année avec des associations et des collectifs citoyens. Et nous le mettons à la disposition de toutes et de tous.

*

Vous avez remarqué ? Je n’ai pas dit “à la disposition des adhérents”. Parce que je suis consciente que tous les écologistes ne sont pas adhérents chez nous, et que très souvent, notamment dans les petites communes mais pas uniquement, il y a des listes citoyennes qui se montent, qui se sentent proches de nous, mais qui n’ont pas forcément envie de porter une étiquette, pour des raisons que j’ai toujours comprises et respectées.

Et bien nous les accompagnerons quand même si elles le souhaitent ! Ces militants-là, on souhaite qu’ils gagnent, tout simplement.

Et pour gagner, il se trouve que nous avons une ressource précieuse. L’expérience accumulée lors des victoires passées. Nous avons la chance d’avoir des maires, des adjoints, des conseillers municipaux, des élus, des bilans, un socle programmatique.

Toute cette expérience, toutes ces idées, toutes ces réalisations, on ne va pas dire “C’est rien qu’à nous !” Ce n’est pas notre genre. Nous sommes partageurs.

Et avouez que ça serait quand même dommage d’avoir des solutions, des idées, des propositions, et de les garder pour nous ! Alors je vous en prie, servez-vous ! Et rejoignez notre plan d’accompagnement complet dédié aux candidats aux municipales.

Chez les écologistes, cela fait longtemps qu’on est pour le partage, le commun, l’open source. Alors, cette offre de service complète que nous proposons à nous adhérents, nous la proposons aussi aux autres, c’est un peu une manière pour nous d’être un service public de l’écologie. Parce que le service public, on l’aime, on le défend, et on le prolonge !

D’ailleurs, je mettrai toutes mes forces dans cette bataille dans les prochains mois en me déplaçant partout en France, et je le ferai en soutien aux têtes de liste écologistes, évidemment, mais aussi à toutes les listes d’union menées par des partenaires et des citoyens qui m’en feront la demande et seront compatibles avec nos valeurs.

Service public je vous dis !

C’est peut-être inhabituel, mais c’est pleinement cohérent avec ce que nous avons toujours dit : les Écologistes souhaitent l’union la plus large, partout où cela est possible, pour permettre à un maximum de villes tenues par la droite de basculer à gauche.

Et dans les villes de gauche où le ou la maire se représente, eh bien il semble logique, évident, que les acteurs qui ont travaillé ensemble, quand ça s'est bien passé pendant tout un mandat, repartent au moins dans ce périmètre-là.

Bien sûr, chez nous, on fait confiance aux territoires, et ce sont nos groupes locaux qui décident pour leur commune, et mènent en ce moment même des discussions exigeantes sur le programme et les garanties que nous demandons sur sa mise en œuvre.

Mais c’est l’objectif minimal que je fixe.

*

Je voulais finir sur les municipales par évoquer le fait qu’il a beaucoup été question de Paris, Lyon et Marseille dans l’actualité politico-médiatique, du fait de la réforme touchant ces 3 villes.

Mais un changement majeur va se produire pour 25 000 autres communes, et de cela on n’en parle quasiment pas dans les débats et dans les médias.

Alors je le fais ici, parce que partout où je me déplace dans les ruralités, on me parle de ça. Fini le panachage.

Et obligation de parité. C’est une vraie révolution, qu’il faudra accompagner.

Voilà ce que je voulais vous dire sur les municipales. Vous êtes prêts à partir en campagne ?

*

Eh bien c’est parfait. Et on va donc maintenant pouvoir en venir à la présidentielle…

Le gros défi de cette rentrée politique et des mois à venir pour la gauche et les écologistes, c'est de faire mentir les promesses de défaites qui nous sont faites.

Moi, j’ai appris à ne pas écouter les oiseaux de mauvaise augure et à rester concentrée. L’été dernier aussi, ils nous disaient tous que c'était impossible. Et pourtant on l’a fait. Vous vous rappelez ?

Alors que 27 sondages sur 27 nous démontraient que l’extrême droite allait gagner.

Certains me disent qu’il faut avoir la foi pour croire à une victoire possible en 2027. Et bien moi, j’y crois ! Et rappelez-vous que j’ai toujours sur mon bureau cette maxime dont je vous propose de faire notre devise : “ceux qui pensent que c’est impossible sont privés de ne pas déranger ceux qui essaient”.

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Le 2 juillet dernier, nous avons lancé le “Front populaire 2027” pour préparer notre victoire commune, avec celles et ceux qui étaient partants et ne demandent qu’à être rejoints par d’autres.

Depuis, nous sommes au travail, sur le programme, sur les conventions thématiques de la rentrée et sur l’organisation de la primaire en elle-même.

Je vous ai proposé une devise.

Je vais aussi - service public de l’écologie oblige -, vous confier deux concepts écologistes qui s’avèreront très utiles dans les mois qui viennent.

Le premier ? Je vous en ai souvent parlé ! C’est le respect de la biodiversité ! Cela veut dire, très simplement, que tout le monde doit être bienvenu à la primaire que le Front Populaire 2027 souhaite organiser, de Raphaël Glucksmann à Jean-Luc Mélenchon.

Bien sûr, on a le droit de ne pas être d’accord avec eux. On a même le droit de ne pas voter pour eux à cette primaire si on préfère quelqu’un d’autre. Mais on doit reconnaître qu’ils sont représentatifs de sensibilités de gauche qui comptent, parce que notre camp politique n’est pas monolithique et que nous en sommes fiers. Oui nous sommes divers.

Et en politique comme dans la nature, c’est la diversité qui fait la richesse des écosystèmes !

Les Ecologistes font confiance aux électeurs de gauche et écologistes pour trancher qui ils veulent voir porter leurs couleurs au 1er tour de la présidentielle. Et aucun des candidats putatifs ne devrait en avoir peur.

Second principe : l’efficacité énergétique.

Nous sommes face à deux menaces existentielles : la crise écologique et la bascule fasciste. Combien de jours nous reste t-il jusqu’au péril ? Et dans chaque journée, combien d’heures disponibles pour le combat ?

Chaque heure, oui, chaque heure va devoir être utilisée à bon escient.

Donc arrêtons avec les attaques personnelles et les guerres picrocholines, et la commedia dell’arte, et les “gnagnagna si tu me mets un dissident là je t’en mets un là et comme ça tout le monde aura perdu mais c’est toi qui aura commencé, non c’est toi”.

Cela ne m’intéresse pas.

On n’a pas le temps.

Je trouve même cela assez indécent.

Et nos électeurs aussi.

Sérieusement, on leur racontera quoi à nos enfants pour leur expliquer qu’on n’a pas tout fait pour empêcher ce dont on savait que ça allait arriver ?

Attention aussi aux débats interminables sur des détails qui nous laissent parfois moins de temps pour convaincre les Français.

Tout le temps que nous dégageons ainsi, nous pouvons efficacement l’investir ailleurs.

On peut, par exemple, aller écouter les Françaises et les Français, sur le terrain.

C’est ce que j’ai eu l’occasion de faire, lors des réunions inversées que j’organise partout en France, surtout là où les politiques nationaux ne vont jamais. Des réunions où je prends le temps de me taire, et d’écouter.

On peut aussi en profiter pour apprendre, pour se familiariser avec des sujets que l’on connaît mal. Pour se mettre à la place des gens. C’est ce que j’ai eu l’occasion de faire à Lorient, avec des marins pêcheurs, en passant une marée sur un langoustinier, avec Damien Girard, ou bien en montant en estive sur les plateaux du Vercors, dans la Drôme, avec Marie Pochon, avec un éleveur de brebis.

Ecouter, apprendre, et apprendre à écouter, en somme.

Ce que les gens attendent de nous, ce ne sont pas uniquement des propositions : c’est aussi une évolution profonde dans notre posture.

Une capacité à écouter ce qu’ils nous disent, et à partager, même très fugitivement, leurs vécus. Parce qu’il y a des choses qu’il faut vivre, pour mieux les comprendre, et pour mieux les défendre.

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Maintenant que je vous ai donné mes conseils pour notre réussite collective, et que vous avez compris que le travail collectif aurait tout notre soutien, une précision importante quand même !

Les Ecologistes n’ont pas vocation à être uniquement les gentils organisateurs de l’union.

Évidemment que notre mouvement compte bien faire en sorte que l'Écologie soit présentée comme offre politique dans la primaire qui s’annonce, et croyez-moi, nous le ferons - notre congrès et nos instances l’ont confirmé de manière assez unanime !

Et autant vous le dire tout de suite, nous n’irons pas pour faire de la figuration !

Le programme que nous présenterons sera un programme en rupture avec le capitalisme de prédation. Mais aussi avec le productivisme qui est encore défendu par certains à gauche.

Un programme nourri du travail de nos parlementaires, de l’expérience de nos maires, de l’engagement de nos militants.

Un programme pour l’écologie, pour la justice sociale, pour la jeunesse, pour la culture, pour l’avenir de nos enfants!

Un programme pour le droit à la santé et à une vie digne !

Un programme résolument décolonial, anti-raciste et féministe !

Nous proposerons aux Françaises et aux Français de participer à son élaboration via une grande consultation populaire.

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Notre ligne politique sera l’écologie. Notre ligne stratégique : l’antifascisme.

Oui, nous allons combattre l’extrême droite. Corps et âme.

Et ce combat, que nous mènerons je l’espère ensemble, commence en se montrant déterminés et irréprochables sur l’antisémitisme et sur toutes les formes de racisme, en étant courageux sur le sujet, en ne détournant pas les yeux !

On combat l’extrême droite, aussi, en tenant compte de la question de l’égalité territoriale.

Pas comme le candidat Emmanuel Macron qui dans sa campagne de 2017 en avait parlé, avait même promis un “nouvel acte de la décentralisation” et même un “pacte girondin”.

Comme tant d’autres promesses, celle-ci a été trahie…

Je vais vous parler d’un autre livre - Quand le parisianisme écrase la France de Francis Brochet - qui évoque ce sujet important : il y a dans notre pays une concentration des pouvoirs politiques, économiques, culturels, administratifs et médiatiques à Paris, ce qui se ressent jusqu’à la carte nationale de nos infrastructures ferroviaires.

Résultat : quand tu n’y vis pas, tu as l’impression que tu ne comptes pas. Et ce n’est pas juste un sentiment.

Alors, cette inégalité, elle tient parfois à des contextes sociaux économiques indépendants du parisianisme.

Un exemple, tout simple. Je suis née et j’habite à Hénin-Beaumont. Résultat ? Le jour de ma naissance, j’ai cinq ans d’espérance de vie de moins que si j’étais née à Paris. Alors que je n’avais encore rien fait.

Parce que je pouvais à l’odeur deviner le sens du vent, selon le site SEVESO dont la puanteur me parvenait.

Parce que le système de santé y est moins doté.

Parce que l’environnement n’est pas chez moi aussi protégé qu’ailleurs.

Parce que le mépris territorial, oui, ça existe, et ça a des conséquences très concrètes, comme des années de vie en moins.

Il y a des injustices territoriales. Tout le monde ici le sait. Mais les politiques publiques, normalement, sont là pour les compenser. Et bien en France c’est l’inverse.

Combien le ministère de la Culture dépense-t-il par habitant en Ile de France et par an ? 195 euros !? Si vous êtes hors Ile de France ? 24 euros ! Et si on étend à l’ensemble des crédits culturels ? Pour un parisien ? 801 euros ? Et pour un habitant du Doubs ? 27.

Les politiques publiques devraient redistribuer. Y compris entre territoires.

Elles le font parfois à l’envers… alors que partout en France nous payons des impôts, et que ces impôts nationaux que nous payons sont les mêmes dans les territoires défavorisés, sous dotés, que dans les autres.

En France, en moyenne, il y a un taux de 50 pédiatres pour 100 000 habitants.

À Paris ? 279 pédiatres pour 100 000 habitants.

Et comparez le nombre de médecins toute spécialité confondue à Paris et en Seine-Saint-Denis, vous ne serez pas déçus. Dans le domaine de l’éducation aussi, nous savons bien que, trop souvent, ce sont en province que les classes ferment,

Et que ce sont dans les sous-préfectures que des tribunaux sont supprimés.

La situation ne s’améliore pas, elle régresse. Et je le dis en précisant bien, que dénoncer le parisianisme ça n’est pas faire du populisme anti-parisien, je ne tomberai jamais là dedans.

Oui, à Paris aussi, il y a des poches de pauvreté, oui à Paris, se loger est de moins en moins accessible, oui à Paris il est de plus en plus difficile de trouver des médecins qui ne pratiqueraient pas de dépassements d’honoraires. Vivre à Paris pose d’autres difficultés, et ça tombe bien, la prochaine équipe de David Belliard compte bien y remédier !

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J’ai eu l’occasion de le dire lors du congrès, la question territoriale est fondamentale pour moi.

Et je tiens à ce que nous puissions nous adresser à chacun d’eux, dans leurs spécificités. Car les réalités des littoraux ne sont pas celles des territoires de montagne, qui ne sont pas celles du bassin minier du Pas-de-Calais, des quartiers populaires en zone urbaine ou des territoires dits d’outre-mer.

Et puisque nous parlons des territoires dits d’outre-mer, je tiens en particulier à saluer la présence, demain, parmi nous, de Christian Tain, qui a tant fait pour la cause de son peuple de Kanaky-Nouvelle Calédonie. Et avec lui, chez les Ecologistes, nous le réaffirmerons : nulle solution politique ne peut se construire sans les peuples et le peuple Kanak doit être respecté et libre de son destin !

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Autre condition nécessaire mais pas suffisante pour combattre l’extrême droite : prendre à bras le corps des sujets qui touchent beaucoup de Français mais qui sont laissés en totale déshérence par le débat politique.

La solitude, par exemple est un sujet qui m’obsède, et dont je ne comprend pas qu’on n’en parle pas tout le temps.

Savez-vous combien de français souffrent de solitude ?

Un sur quatre ! Un Français sur quatre est touché.

Vous vous rendez compte ? Un Français sur quatre souffre de solitude !

Et la solitude n’est pas juste un inconfort, c’est un mal qui ronge, qui a des conséquences psychiques mais aussi physiques.

D’après l’OMS, souffrir de solitude est aussi nocif pour la santé que de fumer quinze cigarettes par jour ! Cela augmente les risques de décès prématuré, et a un impact profond et durable sur la santé mentale.

Et ce mal touche toutes les générations, toutes les couches de la société. Et il vient aussi se juxtaposer sur les inégalités sociales et territoriales et les amplifier.

D’autres pays ont réagi face au fléau. Le Royaume-Uni et le Japon ont par exemple mis en place un ministère de la solitude, avec un plan d'action et un budget dédié.

Et en France, on fait quoi ? On laisse seuls ceux qui ne le sont déjà que trop. Et cela a des conséquences pour la société dans son ensemble.

Cette solitude dont peu de monde s’occupe, je sais qu’elle nourrit aussi un rapport blessé à l'autre, qui nourrit ensuite le Rassemblement national qui pourtant n’a rien de concret à proposer sur le sujet. 

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Oui, le combat contre le Rassemblement national doit se mener sur tous les sujets, sur tous les territoires, sur tous les terrains, et c’est exactement ce que nous allons faire … jusqu’aux étagères de librairie !

Bardella a sorti son livre, Zemmour en a commis plusieurs (oui, commis, vu le contenu cela relève bien du registre du délit), et, en face, nous avons les rêveries libidineuses d’un Bruno Le Maire.

Je vous rassure, à côté de ces ouvrages peu recommandables, vous trouverez bientôt une lecture plus saine et plus motivante. En plus du livre d’Olivier Faure que j’ai lu cet été. En plus du livre de Lucie Castets que j’ai aussi lu cet été. En plus du livre de Clémentine Autain que j’ai aussi aussi lu cet été.

Je vous donne le titre, ça s’appellera “Demain, si tout va bien…”

Et je vous rassure une deuxième fois, ce livre n’est pas là uniquement pour que l’extrême droite et la droite extrême se sentent moins seuls sur les étals.

C’est un projet auquel je réfléchis depuis longtemps et pour lequel Albin Michel m’a fait confiance et je les en remercie.

Ce livre est bien sûr classé dans la catégorie des livres politiques, évidemment, de par son auteur, mais il ne ressemble pas, je pense, aux autres livres politiques… de par son auteur.

Je ne vous en dis pas plus.

Je vous laisse la surprise.

J’espère qu’il vous plaira, et que j’aurais l’occasion de vous rencontrer dans la tournée des librairies qui m’attend à l’automne…. si tout va bien !... 

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Combattre l’extrême droite, c’est aussi apporter des solutions aux gens.

Aux prix qui flambent, aux parents racisés qui me disent avoir peur pour la sécurité de leurs enfants, à cet agriculteur au bord du suicide qui appelle à l’aide, à cette maman d’une jeune fille de 8 ans qui se demande si elle a bien fait de faire un enfant tout en culpabilisant de se poser cette question.

Ces colères, cette détresse exigent de notre part un travail de fond qui doit être permanent : je vous ai déjà déjà annoncé que demain sortira (si tout va bien) notre plateforme programmatique pour les municipales, qu’en septembre nous serons sur tous les fronts des mobilisations qui émailleront la rentrée ; je vous annonce aussi qu’en octobre nous sortirons notre plan écologiste pour la sortie de crise.

Ce plan de sortie de crise, nous y travaillons en lien avec nos groupes parlementaires, qui portent déjà de nombreuses propositions.

Et il sera là pour montrer que, conformément à la formule de Goethe que j’évoquais au début, nous sommes capables de dessiner une voie, de tracer un chemin, même quand les obstacles semblent s’accumuler.

Et dans ce travail énorme, je tiens aussi à signaler celui que nous conduisons depuis des mois au sein du pôle projet qui planche sur des carnets de doctrine.

Ce pôle associe les forces vives du mouvement, nos élus, des spécialistes et experts de la société civile, des parlementaires, des membres de la direction nationale.

Et toutes et tous travaillent au réarmement intellectuel de notre mouvement, au service de notre projet politique et de notre camp.

Et ici encore, nous serons généreux. Ici encore nous serons dans une optique de service public ! “L’esprit public”, hein Clémentine ;)

En effet ce travail sera mis à la disposition de tout le monde, à travers des carnets de doctrine qui seront progressivement rendus publics dans les semaines qui viennent.

Je veux donc remercier ici celles et ceux qui y travaillent d’arrache-pied, en menant des dizaines d’auditions avec des experts qui nous aident à garder un temps d’avance, et je crois que nous pouvons les applaudir.

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Alors, évidemment, on parle de présidentielle, de programme et de candidature, et je vois bien la question qui commence à germer dans certains esprits.

Oui, on me pose souvent la question de savoir si j’irai moi.

A cela, je vais vous répondre très simplement :

… suspens…

Je réponds très simplement qu’on ne se présente pas à une élection présidentielle à la légère.

On réfléchit. On consulte. On discute. On écoute. En tout cas, c’est ainsi que je veux procéder.

Surtout, je pense que c’est une décision collective, qui concerne l’ensemble de notre famille politique, et qu’elle doit s’inscrire dans un cadre clair, dont nous avons déjà donné quelques éléments.

Comme décidé en juin dernier, le parti organisera son processus de désignation interne en fin d’année. Nous sommes encore en été.

Donc c’est à l’automne que je prendrai et rendrai publique ma décision.

Cela ne veut nullement dire que je ne suis pas prête à en discuter dès à présent, à cheminer avec vous. Quand je parle de décision « collective », cela signifie très concrètement que, oui, je crois aux vertus des échanges. Et nous sommes dans un lieu et un moment tout à fait appropriés pour cela.

Alors, si vous le souhaitez, parlons-en. Dites-moi ce que vous en pensez et pourquoi. Et ça tombe bien : on est encore pour 2 jours au même endroit !

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On a beaucoup parlé de responsabilité ce soir, et je voulais ajouter une dernière chose à ce sujet :

La responsabilité, ce n’est pas un fardeau individuel. C’est une aventure collective.

Une de celles qui transforment la colère en espoir, et l’espoir en victoire.

Et des victoires, il y en a aussi. J’ai toujours trouvé essentiel d’apprendre à les célébrer les victoires.

Chaque centimètre gagné sur le découragement mérite d’être honoré.

Quand nous remportons une circonscription, qu’un texte de loi avance, qu’un slogan allume une étincelle dans le regard d’une militante ou d’un militant, qu’un moment politique nous rend fiers, alors oui, il faut lever la tête et s’en féliciter.

Toute victoire, même partielle, est une preuve que le réel peut encore être déplacé. Et ça, c’est précieux. Presque révolutionnaire.

Voilà pourquoi, je souhaiterais rappeler ces vers de Goethe, qui décrivent la tombée du jour, en soulignant, malgré tout, qu’au cœur du crépuscule, de la lumière demeure.

« Le crépuscule est tombé.

Tout ce qui était proche déjà s’éloigne.

Mais d’abord est montée

La douce lumière de l’étoile du soir.

Tout vacille, incertain. »

Cette incertitude, nous ne la connaissons que trop bien. C’est celle des moments historiques, des temps où tout peut basculer. Cette incertitude, elle ne doit pas nous inquiéter, mais au contraire nous habiter, nous activer.

Oui, j’espère, au moment de conclure ce discours, très sincèrement, que nous saurons nous montrer, toutes et tous, responsables.

On nous dit, parfois, que la politique c’est le pouvoir.

Je ne le crois pas.

La politique, c’est de la responsabilité.

Le pouvoir est un privilège.

La responsabilité, elle, nous oblige.

Merci à toutes et à tous.

Hauts les cœurs,

Et bonne rentrée !