Trois questions à Sabrina Sebaihi, député écologiste des Hauts-de-Seine
Le jeudi 30 octobre, l'Assemblée Nationale a adopté pour la première fois dans l'histoire une résolution du Rassemblement National. Le texte est une dénonciation raciste des accords franco-algériens de 1968, approuvé grâce à l'absentéisme complice du bloc macroniste. Sabrina Sebaihi a défendu le vote du groupe Écologiste et Social lors du scrutin, elle décrypte ici la résolution et ses implications.
Peux-tu nous dire ce qui s'est passé aujourd'hui à l'Assemblée nationale ?
Aujourd’hui, l’Assemblée nationale a voté, à une voix près, une proposition de résolution du Rassemblement national visant à remettre en cause les accords franco-algériens de 1968.
C’est un moment extrêmement grave. Car au-delà du symbole diplomatique, ce vote traduit la banalisation des thèses d’extrême droite au sein même de l’hémicycle. Ces accords, signés après l’indépendance de l’Algérie, faisaient partie d’un équilibre historique entre nos deux pays, construit sur la reconnaissance d’une histoire commune, douloureuse, mais qu’il fallait assumer. Les remettre en cause aujourd’hui, c’est rouvrir des blessures coloniales et nourrir la stigmatisation des Algériens et des Français d’origine algérienne, déjà pris pour cibles dans les discours médiatiques. Reprendre les thèses du RN, c’est leur donner raison. Les banaliser, c’est leur donner de la force. Notre responsabilité, c’est de les combattre, tout le temps, partout. De défendre une France qui regarde son histoire en face, qui assume ses liens avec l’Algérie et qui refuse la haine et la division. Ce vote montre à quel point la majorité a perdu la boussole : à force de courir derrière l’extrême droite, elle finit par lui ouvrir la porte. Mais la République, ce n’est pas cela. La République, c’est l’égalité, la mémoire et la fraternité, pas la peur de l’autre.Qu'est-ce que cela a représenté pour toi ?
Pour moi, c’est un choc, mais pas une surprise. Ce vote symbolise tout ce que je combats depuis le début de mon engagement politique : la réécriture de l’histoire, la stigmatisation des enfants de l’immigration, et la complaisance d’une partie de la classe politique avec les thèses racistes du Rassemblement national. Je suis la fille d’ouvriers algériens venus reconstruire la France. Ces accords, ils ont fait partie de leur vie, de leur parcours, de cette histoire de dignité partagée. Voir aujourd’hui des députés les remettre en cause, c’est voir le pays oublier d’où il vient. Mais ce vote me donne aussi une certitude : il faut continuer à se battre pour une France qui assume son histoire coloniale, qui refuse la hiérarchie des mémoires et qui ne cède pas à la haine. Je ne laisserai jamais le RN définir ce qu’est la République, ni qui a le droit d’en faire partie.
Comment peut-on faire pour lutter contre de telles politiques, à la fois racistes et dénigrant l'histoire de notre pays ?
Il ne faut jamais reprendre ni recycler les thèses du RN. Leur recette, c’est de fabriquer de la peur en désignant des boucs émissaires. Nous, nous devons dire autre chose : regarder l’histoire en face, nommer la violence coloniale, et lutter contre le racisme structurel aujourd’hui. À chaque fois qu’une tribune tente de banaliser la haine comme cela a été le cas ce matin, nous devons la contester toujours fermement.